lettre à un touriste et ami
Viens
en Cévennes. Entre dans le pays qui est le mien ;
il te plaira car il a
de la grandeur et tu lui plairas si
tu as de la simplicité.
C’est
une étrange découverte que tu feras, avec la sagesse
et la douceur de
vivre. A chaque tournant, l’histoire t’attend,
dissimulée dans les
taillis, habitant les vallées, murmurant
aux chutes des cascades, figée
dans les tourelles du castel.
Il
n’est randonnée en Gévaudan Cévennes où viennent se joindre à toi
Seigneur en écu et haubert, évêques, Martyrs, Pape bienheureux,
Princesse de sang, Poètes, Hommes de Sciences et de Lettres,
Généraux
vaillants, Rebouteux célèbre, Roi à fraise et Connétable.
Nulle petite
ville de province n’exercera en toi d’aussi profondes résonances.
Caresse la patine de leurs pierres.
La
beauté d’un village est chose aussi mystérieuse que la beauté d’un
être. Nos cités sont secrètes, il faut savoir les conquérir lentement.
En
flânant dans leurs rues moyenâgeuses, sous les porches, près
des
fontaines et des places, à l’ombre des campaniles,
tu sentiras battre
leur cœur. Alors tu n’auras plus qu’un désir,
qu’une soif de savoir,
d’interroger cet ermitage, cette cathédrale,
ces ruines, ce château,
ces portes, ce pont, cette tour
et de plonger plus avant dans leur
passé.
Charmants
et retirés sont nos villages.
Arrête-toi devant la bergerie voûtée, le
berger rentre tard, car le soir…
... il garde les étoiles et rêve.
La
pénétrante odeur du terroir voyage sur la brise du soir.
Respire cette
paix naturelle. Lie avec nos paysans. D’autres sont plus démonstratifs,
d’un naturel plus exubérant. Eux, dans leurs propos, mettront une
grande délicatesse à leur sympathie, une discrète retenue dans leur
hospitalité, une chaleur mesurée dans leurs sentiments. Ecoute en pays
cévenol la pureté de la langue française acquise par la lecture
quotidienne de la Bible des Assemblées du Désert.
Où
trouver ailleurs tout à la fois, avec ce lent et solennel déroulement
des chaînons cévenols, cette puissance des Monts Lozère et de
Margeride, ces Causses pavés de dolmens, ces pics nimbés de pure
lumière, ces escarpements, ces Gorges du Tarn qui trouent l’azur, cette
fraîcheur des cours d’eau et cette douceur des vallons ?
Utilise
toutes les subtilités de ton imagination et devine le caractère caché
de la prairie et du ruisseau qui s’enfonce vif et pressé au creux du
ravin.
S’il
y a des détracteurs de la Cévenne, plains-les ;
ce sont des pessimistes
auxquels il manque la faculté
de s’émerveiller – et se rendre heureux.
La
Cévenne se joue de leurs sarcasmes !
Les
corbeaux qui s’échappent des niches de la cathédrale
en altèrent-ils la
majesté ?
Viens écouter le bruit du vent qui gémit dans la forêt de
nos pères.
Gilbert
ARNAL
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